Tracer ses événements de chantier : un gain de sécurité et de sérénité

Par Guillaume Persoz, 22 févr. 2023 - 5mn - Juridique

Votre chantier fait face à un imprévu que vous estimez hors de votre responsabilité et impactant votre planning et/ou vos dépenses ? Intempéries, sinistres, grèves, données non conformes… petit guide de la démarche à suivre pour tracer ces évènements afin de préserver vos droits auprès de la maîtrise d’ouvrage et obtenir gain de cause.

Qu'est-ce qu'un événement de chantier ?

Le quotidien d’un chantier est loin d’être un long fleuve tranquille et les circonstances d’exécution pouvant engendrer des délais et/ou coûts supplémentaires sont ainsi nombreuses. Si certaines sont directement imputables à la responsabilité du titulaire du marché, d’autres n’étaient pas normalement prévisibles et sont apparues en cours d’exécution du marché. Ces circonstances imprévisibles sont requalifiées d’évènements de chantier et peuvent, si elles sont judicieusement tracées, donner droit à une prolongation de délai et/ou à une indemnisation.

Exemples d’évènements de chantier :

Antérieurs au début d’exécution

Se déroulant en cours d’exécution

Etat des avoisinants / voies publiques

Problèmes d’autorisations administratives

Données d’entrée non conformes ou non transmises par le client

Emprise foncière non libérée

Réseaux non dévoyés

Intempéries

Problèmes géotechniques / géologiques

Environnement problématique (pollution, découvertes archéologiques…)

Grèves

Intervention d’un tiers non prévue au planning

Retards d’obtention de visas

Décision notifiée par OS

Sinistres/dommages (aux ouvrages, aux existants, aux tiers)

Commencez par identifier les règles de traçabilité définies dans le marché

Si vous souhaitez obtenir de la part de votre maître d’ouvrage une indemnisation suite à un évènement de chantier, c’est à vous de prouver le lien de cause à effet existant entre cet évènement et ses conséquences sur les prix et/ou les délais et d’ainsi rassembler les éléments le justifiant. Commencez par identifier dans le marché les éléments suivants :

  • Quel est le délai imposé par la maîtrise d’ouvrage ou le maître d’œuvre pour leur faire part de l’évènement de chantier ? Une fois ce délai dépassé, vous vous exposez à un risque de forclusion : il est donc très important de le connaître !

  • La forme de traçabilité est-elle libre ou imposée ? Si elle est imposée, il faudra vérifier l’existence d’un document type pour déclarer cet évènement.

  • Existe-t-il des modes de communication obligatoires selon le type d’évènement de type lettre RAR, mail, GED… (voir notre paragraphe suivant) ?

  • L’interlocuteur est-il toujours le même quel que soit l’évènement ?

Choisissez l’outil de communication adapté à votre évènement

A chaque évènement correspond un type de communication adapté à sa gravité. Pour éviter tout malentendu, il est préférable de traiter séparément chaque évènement.

LES COURRIERS. Les courriers vous permettent de vous adresser directement à votre interlocuteur et le marché peut vous imposer un type de correspondance en fonction de la situation. Si vous souhaitez utiliser la voie postale, plusieurs options s’offrent à vous : la lettre contre récépissé (qui peut vous éviter de dépendre du délai postal dans une situation de risque de forclusion), la lettre RAR (très fréquemment imposée par le marché) ou la lettre simple quand l’importance du courrier n’est pas élevée et qu’il ne nécessite pas de preuve de réception. Les courriels électroniques sont quant à eux réservés aux échanges quotidiens et de faible importance contractuelle, ou pour doubler un envoi d’une lettre recommandée. Enfin, les échanges peuvent également être dématérialisés via une plateforme de type GED (conditions détaillées alors dans les pièces marché).

LES DOCUMENTS DE CHANTIER. Les documents de chantier, qui actent les évènements se déroulant sur le terrain vous permettront de garder une trace écrite et un fil conducteur tout au long du projet. Le journal de chantier, par exemple, présente l’évolution du chantier, ses évènements, les moyens déployés et toute information jugée importante. Le marché peut imposer la rédaction d’un journal de chantier dans le CCAP ainsi que sa périodicité. Autre document essentiel et présent quel que soit le type de marché (public ou privé), le compte-rendu de réunion de chantier consigne tous les échanges, positions et engagements exprimés lors des réunions sur site. Ce document peut se révéler être d’une véritable importance lors d’une réclamation ou demande d’indemnisation, puisque l’ensemble des destinataires du compte-rendu disposent d’un délai pour émettre des réserves, sans quoi celui-ci est considéré comme approuvé.

LES DOCUMENTS CONTRACTUELS. Vous disposez également de documents contractuels vous permettant d’acter les conséquences engendrées par un évènement de chantier. Tout d’abord, dès qu’un évènement cité dans le cahier des charges se produit et le nécessitant, ou lorsque vous estimez qu’une partie des travaux doit être constatée avant d’être recouverte, vous devez établir un constat contradictoire. Ce constat doit être réalisé en présence de toutes les personnes convoquées et signé le jour même par toutes celles citées dans le cahier des charges. L’ensemble des dispositions du constat contradictoire est détaillé dans le CCAP. Le planning est également un document contractuel essentiel puisqu’une évolution de planning (souvent accompagnée d’un avenant) traduit l’intégration des évènements de chantier. Enfin, si les Ordres de Service permettent contractuellement au maître d’ouvrage de vous imposer certaines actions (voir notre article détaillé sur le sujet), il est impératif d’y répondre via un courrier de réserves (attention au délai de réponse autorisé) si vous considérez que des conditions d’exécution vous empêchent de répondre à la demande telle qu’elle vous a été adressée.

LES RECOURS A DES TIERS. Certains évènements de chantier vous imposeront de faire intervenir une instance juridique pour acter certains faits. Les constats d’huissier peuvent par exemple être utilisés lors de litiges avec les riverains ou directement avec la MOA ou la MOE pour constater la situation sur chantier à l’origine des tensions existantes. Le référé préventif est quant à lui réalisé, généralement à l’initiative de la MOA, avant le démarrage de travaux dont la réalisation contient des risques ou pourrait en être à l’origine. De son côté, le référé constat est utilisé lorsqu’une réalisation sur chantier est problématique et nécessite une expertise technique.

Tous ces outils de communication sont essentiels pour vous prévenir d’éventuels conflits ou pour justifier vos actions et vos droits lors d’une demande d’indemnisation. Judicieusement utilisés, ils seront votre gage de sécurité et de sérénité !

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